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"REGARDER"

Quand Olivier Blin, directeur du théâtre, m’a proposé d’illustrer le programme de la saison 21/22 nous subissions encore et toujours les effets de la crise sanitaire. La planète entière semblait paralysée, comme tétanisée. La faute à qui ? Un virus sorti dont on ne sait où, un microscopique organisme à l’origine d’une pandémie mondiale. Il semble maintenant évident que la diffusion de ce virus soit la résultante de notre prédation sur le « monde sauvage » que nous avons systématiquement domestiqué, rongé arbre après arbre, espèce après espèce.

Les spectacles de la saison précédente ayant dû être annulés, les uns après les autres, vague après vague, comment, dans l’incertitude, envisager la promotion des créations à venir ? Avec quel regard ?

Et si on changeait notre « point de vue » en tentant d’imaginer quel pourrait-être celui de ces animaux sacrifiés sur l’autel de la modernité et du progrès ? Que peuvent-ils bien « penser » de nous ? J’ai alors eu l’envie de réaliser leurs portraits de manière volontairement « académique » un peu comme ceux des « notables » ou des « héros » d’autrefois et de les inviter comme spectateurs de nos paradoxes. Portrait d’un Mr chimpanzé qui, reproduit sous forme d’affiches, collées sur les murs de la ville, a croisé son regard avec celui de passants masqués.  A Mr Chimpanzé, devenu l’icône de la saison, et pour lui tenir compagnie, Mme Girafe, Mr Casoar et autres,  ont rejoint la galerie.     

En 1968 Romain Gary, dans une « Lettre à l’éléphant », écrivait ceci :

 « Il n’est pas douteux que votre disparition signifiera le commencement d’un  monde entièrement fait pour l’homme. Mais laissez-moi vous dire ceci, mon vieil ami, dans un monde entièrement fait pour l’homme, il se pourrait bien qu’il n’ y ait pas non plus de place pour l’homme.

C’est ainsi, monsieur et cher éléphant, que nous nous trouvons, vous et moi, sur le même bateau, poussés vers l’oubli par le même vent puissant du rationalisme absolu. Dans une société vraiment matérialiste et réaliste, poètes, écrivains, artistes, rêveurs et éléphants ne sont plus que des gêneurs. »

Olivier Wiame

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