Portrait d'un théâre rebelle
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Portrait d’un théâtre rebelle
Par Françoise Bouzin – Octobre 2014
« Et si le théâtre était le dernier vrai refuge pour dire et penser le monde, pour trouver du sens? » telle est la question que se pose olivier Coyette, directeur du Théâtre de Poche depuis janvier 2013, l’un des théâtre les plus remuants de la sphère culturelle bruxelloise.
Françoise Bouzin : Une première saison personnelle, ça se construit comment?
Olivier Coyette : Composer une saison "personnelle", c'est quand même tout d'abord composer une saison du Poche.
Cette maison à une identité forte dans laquelle je me reconnais, et au service de laquelle je suis.
Ce que je souhaite apporter, c'est mon réseau de connaissances et d'artistes, de Belgique et d'ailleurs, ouvrir grand la porte aux jeunes créateurs, et surtout continuer de proposer des spectacles exigeants ayant pour thèmes des préoccupations politiques et sociétales, en prise avec aujourd'hui.
Pour ce faire, je lis des textes, je reçois des artistes, je vais voir des spectacles et beaucoup d'étapes
de travail, je me déplace à des festivals et je vais voir les travaux présentés dans les écoles de théâtre.
Ainsi, petit à petit se dessine en moi une "ligne", un projet, une programmation idéale.
F.B. : Le Poche a toujours eu une réputation de théâtre découvreur d’artistes, de théâtre qui dérange, en montrant des sujets de société actuels. Quelle sera la patte d’Olivier Coyette? Et quelle est votre vision et que souhaitez-vous apporter de neuf par rapport à vos prédécesseurs?
O.C. : Ma patte c'est mon amour des acteurs. Je vais au théâtre pour voir des acteurs, parce qu'eux seuls peuvent dire le monde avec les mots du poète d'une façon qui résonne longtemps encore après que la représentation a eu lieu, de manière unique. Je souhaite des grands acteurs pour le Théâtre de Poche, et la Belgique n'en manque pas, loin s'en faut.
Ce que je peux apporter par rapport à mes prédécesseurs, au fond c'est la synthèse: Roger Domani était un homme de lettres, Roland Mahauden un aventurier. (Ce qui n'est pas antithétique: Domani avait un côté aventurier et Mahauden est plus lettré qu'on ne pense...). Tous deux étaient des esprits libertaires, non-rangés, à l'écoute du monde et de ses soubresauts. Domani rêvait d'un théâtre expérimental, Mahauden voulait "désélitiser" la scène du Poche, la rendre accessible à tous.
Pour ma part, je souhaite proposer une exigence de pensée qui nécessite de la part du spectateur un effort, oui, presqu'un travail, mais aux bénéfices immédiats et jubilatoires: le plaisir d'une lecture du monde à travers un geste scénique osé, non engoncé, non conformiste. Je sais qu'il y a à Bruxelles et en Belgique un public ouvert à ce genre de proposition. Je le souhaite évidemment le plus nombreux possible, participatif et dynamique, et je garde à l'esprit cette précieuse phrase de Peter Brook: "Le diable, c'est l'ennui". Pas de spectacles ennuyeux au Théâtre de Poche!
F.B. : Quand vous étiez ado, quelle pièce vous touché et pourquoi? Et aujourd’hui qu’est qui vous interpelle?
O.C. : Adolescent, j'ai vu au Poche "La métamorphose", de Kafka, plongée hallucinée dans l'univers noir de cet auteur fondamental.
C'est un spectacle qui m'a beaucoup marqué. J'ai aussi vu "L'art d'aimer" d'Ovide, lors d'une représentation scolaire où l'acteur avait fait taire toute la salle par le brio de son interprétation, et par la puissance du texte qu'il restituait à merveille.
Le Poche, donc, déjà...
Je suis interpellé aujourd'hui par le nombre de jeunes gens qui s'engagent dans la profession théâtrale.
On peut déplorer qu'il y ait tant de monde sur le "marché", on peut aussi émettre l'hypothèse inverse: il n'y a pas assez de théâtres!
Sérieusement, nos politiques doivent s'interroger sur cette soif de plateau qui habite notre jeunesse. Et si le théâtre était le dernier vrai refuge pour dire et penser le monde, pour trouver du sens?
F.B. : Si vous deviez demander une seule chose à la Ministre de la culture, ce serait?
Je lui demanderais d'aller (plus) souvent au théâtre.